Jâai dĂ©couvert cette pratique symbolique lors de ma formation dâaccompagnante en parentalitĂ©. Câest une visualisation marquante qui mâa beaucoup aidĂ©e dans ma vie quotidienne. Elle mâa permis de comprendre comment chaque mot, geste ou regard construit le lien avec nos enfants, mais elle peut aussi sâappliquer Ă toutes les relations, amicales ou amoureuses. Pour ma part, jâai choisi ce que je voulais mettre dans mon « Ă©charpe relationnelle » et ça a transformĂ© ma maniĂšre de communiquer et de nourrir mes relations.
On aime nos enfants, ça ne fait aucun doute. Cet amour inconditionnel est le socle de notre relation, une flamme profonde qui nous anime.
Mais parfois, mĂȘme avec cet amour si puissant, la vie de parent est lourde de tensions, de malentendus, de petits nĆuds invisibles. Les journĂ©es sâenchaĂźnent Ă toute vitesse, la fatigue pĂšse, et on se sent parfois dĂ©passĂ©e.
Alors, comment faire pour que cet amour se traduise au quotidien en un lien nourrissant, qui soutient leur estime de soi, mĂȘme dans les moments difficiles ?
đ Lâamour est lĂ , mais le lien se construit chaque jour
Lâamour, câest ce que je ressens au fond de moi, cette force profonde et spontanĂ©e qui ne sâĂ©teint jamais.
Le lien, câest ce que nous construisons ensemble, dans nos gestes, nos mots, nos attitudes. Il est le miroir visible de cet amour, le tissu vivant de notre relation.
đ§Ł LâĂ©charpe relationnelle de Jacques SalomĂ© : un fil visible et prĂ©cieux
Le psychosociologue Jacques SalomĂ© nous offre une magnifique mĂ©taphore : une Ă©charpe invisible qui relie le parent et lâenfant.
Un bout est dans nos mains, lâautre dans celles de lâenfant.
Cette Ă©charpe nâest pas statique. Elle peut ĂȘtre lĂ©gĂšre et douce, remplie de couleurs tendres⊠ou parfois se charger de petits nĆuds et de lourdeurs.
Chaque mot, chaque geste, chaque regard que nous posons y dépose une couleur :
- đŠ Bleu = apaisement, sĂ©curitĂ©, confiance (qui ancre lâenfant)
- đš Jaune = joie, reconnaissance, encouragement (qui illumine son chemin)
- đ„ Rouge = colĂšre, frustration (un signal que quelque chose se tend dans la relation)
đ± Les mots et les gestes qui nourrissent le lien
Le parent a le choix. Il peut dĂ©cider de nourrir le lien avec des interactions qui renforcent lâestime de soi de son enfant.
1ïžâŁ Le pouvoir des mots : prĂ©fĂ©rer le « je » au « tu »
Jacques SalomĂ© nous le rappelle : « Le tu tue le tu ». Nos paroles peuvent nourrir le lien ou lâalourdir.
MĂȘme lorsquâils sont positifs, les « tu » peuvent fragiliser lâestime de soi. Par exemple, un compliment comme « tu es gĂ©nial » est bien intentionnĂ©, mais lâenfant peut se demander : « Est-ce vrai ? Est-ce que maman dit ça parce quâelle mâaime ? »
Parler en « je » permet au parent dâexprimer son ressenti ou son point de vue sans juger lâenfant. Lâenfant se sent alors Ă©coutĂ© et reconnu, mĂȘme si le message concerne ce quâil a fait.
Exemple :
« Je me suis sentie fiĂšre quand tu as aidĂ© ta sĆur » â ici, le parent partage son ressenti, sans faire de jugement sur lâenfant.
Pour nourrir lâestime de soi, mieux vaut valoriser des actions concrĂštes plutĂŽt que la personne en gĂ©nĂ©ral :
- « Quand tu as marqué ce but, tu as vraiment eu le bon geste »
- « Jâai beaucoup aimĂ© tâĂ©couter raconter ton histoire »
Exemples de phrases en « je » :
- « Jâai trouvĂ© que tu as eu une trĂšs bonne idĂ©e en construisant cette cabane. »
- « Jâai beaucoup aimĂ© tâĂ©couter raconter ton histoire, tu avais beaucoup dâimagination. »
- « Je me suis sentie fiÚre de toi quand tu as salué ton entraßneur à la fin du match. »
- « Jâai trouvĂ© ton dessin plein de dĂ©tails, ça mâa impressionnĂ©e. »
Ces phrases mettent en valeur ce que lâenfant fait et lâeffet que cela produit chez le parent. Elles sâancrent dans le rĂ©el et nourrissent une estime solide, qui ne dĂ©pend pas dâun jugement extĂ©rieur mais dâexpĂ©riences vĂ©cues et reconnues.
2ïžâŁ Les gestes doux et lâĂ©coute qui parlent aussi fort
Au-delĂ des mots, un sourire complice, un cĂąlin inattendu ou une Ă©coute attentive sont des petits riens essentiels. Ils disent aussi : « Je tâaime » et « Je te vois ».
Exemples :
- « Jâai Ă©tĂ© touchĂ©e de te voir recommencer malgrĂ© la difficultĂ©. »
- « Jâai Ă©tĂ© Ă©mue de voir comment tu as consolĂ© ton copain quand il Ă©tait triste. »
Ces mots et gestes dĂ©posent du bleu et du jaune⊠ils donnent Ă lâenfant confiance en ses capacitĂ©s et envie de grandir.
Catherine Gueguen, Ă travers les neurosciences affectives, nous le confirme : ces marques de tendresse, dâĂ©coute et de reconnaissance ont un impact direct et positif sur le dĂ©veloppement Ă©motionnel et cĂ©rĂ©bral de lâenfant. Elles sont le ciment de sa sĂ©curitĂ© intĂ©rieure et de son estime de soi.
⥠Les gestes qui alourdissent (et comprendre le rouge dans lâĂ©charpe)
Ă lâinverse, certaines phrases ou rĂ©actions peuvent blesser lâestime de soi :
Exemples :
- « Tu es méchant ! »
- « Tu es capricieux ! »
- « Tu es égoïste ! »
Un cri, un reproche sous le coup de la fatigue ou une phrase qui juge⊠ces gestes dĂ©posent du rouge. Ils pĂšsent sur lâenfant et sur la relation.
Isabelle Filliozat nous apprend que ces « rouges » sont souvent des expressions de besoins non satisfaits, chez lâenfant comme chez le parent.
ReconnaĂźtre et nommer la colĂšre, la sienne ou celle de lâenfant, est le premier pas pour Ă©viter que ces nĆuds ne sâinstallent durablement.
đ Entretenir lâĂ©charpe et rĂ©parer les accrocs
Nous tenons chacun un bout de lâĂ©charpe. Nous avons le choix : nourrir notre lien ou le laisser sâalourdir. Ce nâest pas une question de perfection, mais de conscience et de bienveillance.
MĂȘme si lâĂ©charpe est pleine de nĆuds, on peut toujours rĂ©parer. Françoise Dolto insistait sur lâimportance de parler vrai Ă lâenfant, de le considĂ©rer comme une personne capable de comprendre.
Pour rĂ©parer le lien, il est essentiel de se reconnecter au ressenti de lâenfant. AprĂšs un moment de tension, nâhĂ©sitez pas Ă revenir vers lui avec une question simple :
« Je suis dĂ©solĂ©(e), jâĂ©tais fatiguĂ©(e) et je nâaurais pas dĂ» crier. Comment est-ce que tu tâes senti(e) Ă ce moment-lĂ ? »
Ce geste montre que vous vous souciez de lâimpact de vos actions sur son cĆur. Il valide ses Ă©motions et lui apprend que le lien est assez solide pour ĂȘtre rĂ©parĂ©, mĂȘme aprĂšs un accroc.
đž Pour conclure
Aimer son enfant ne suffit pas, il sâagit aussi de construire activement ce lien. Chaque mot, chaque geste, chaque regard façonne le monde intĂ©rieur de lâenfant, ainsi que lâestime quâil aura de lui-mĂȘme tout au long de sa vie.
Avant de parler ou dâagir, posons-nous la question, avec bienveillance envers nous-mĂȘmes :
đ « Chaque mot et chaque geste peut nourrir le lien et lâestime de soi⊠ou les alourdir. »